Pierre TICHADOU

Pierre TICHADOU

NARCISSE

  • mon premier roman ! 

 

 

Je m'appelle Paul Delcroix.

Modelées dans la glaise, mes racines ont été écussonnées par les pissenlits et toutes les mauvaises herbes du même acabit. Ce misérable jardinier moraliste qui me les veut ôter à chaque poussée de sève, m'étiole et m'ampute tout à la fois. Et moi, minable narcisse, moi au printemps prochain, c'est sûr je ne refleurirai pas.

 

J'ai palpé le ventre de l'infante captive, sauvage et brûlant sous sa gandoura de laine. Ce n'était qu'un désert percé d'une lacustre oasis où croupissaient des larmes de sueur. Au-delà, sous la toile maghrébine, sa toison ardente, luxuriante, dansait comme une mer d'ébène.

 

Les pêcheurs enchaînés gémissaient autour comme de voraces carnassiers asthmatiques. En négrier débonnaire et en mal d'inspiration, je chatouillais ses pieds nus de ma plume d'oie. La goélette cinglait vers des pays d'albâtre et de corail; des siècles d'entrave pour un jour enfin se retrouver un homme et en savourer le prix.

La liberté n'est douce et évidente qu'aux anciens martyrs. Pour les crucifiés de la naphtaline, les écorchés pommadés, les jeteurs d'érythèmes invectives et de candides anathèmes, elle devient vite, moins qu'un droit, une arrogance.

 

 

                                                  *****

 

Elle insuffle la vie. A qui veut la croire. A qui veut croire. A grands coups de foi et de chaudes transfusions. Sa sève coule en vous comme un torrent en rut et vous endoctrine mieux qu'un catéchisme.

Je ne connais pas d'être aussi follement désirable, aussi tendrement respectable. J'ai envie de lui crier qu'elle est céleste et lumineuse. Ménageant ma glotte, je me contente de le lui écrire. Peut être, entre les lignes, y trouvera-t-elle son compte. Et ma main dans l'étreinte rejoindra son corps.

 

Savez-vous, dit l'enfant, planter les choux à la mode, à la mode...

Elle l'a pris sur ses genoux, lui a fait faire "bateau sur l'eau" et plouf...

 

Les pirogues rentrent au port dans un ciel d'encre.

Je me souviens de ce poème, de tes cuisses couleur ambre.

Elle a donné le sein à l'enfant. Gavé de sommeil, il s'est endormi dans un rot...

 

 

                                     CHAPITRE 1

  

Nous nous sommes promenés longtemps dans la forêt, côte à côte, sans rien dire, respirant doucement, prudemment. Dans l'allée sous les grands pins, nos pas mesurés foulaient le tapis d'aiguilles et de pommes, et nous comptions en silence, sur ce chemin des dizaines de fois parcouru, les quatorze croix montant au Calvaire, comme autant de jalons, autant de répits à notre souffle court. Puis arrivés sur les hauteurs, dans la vaste clairière après la chapelle, nous avons pris notre envol, comme deux oisillons fraîchement sortis du nid. Nous nous sommes pris la main et nous nous sommes embrassés.

Nous avons dû rouler sur la mousse, et le soleil a scellé notre étreinte de ses rais diffractés sous les branchages. Tu as ri, Jeanne, de la tâche d'humus roux sur le pli de mon jean .....

 



18/07/2006
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