L'ESCALE 14/01/70
Un bateau s'en vient, un bateau chargé
D'écume et de vent
D'esclaves endormis
Et de visages glabres,
Un bateau s'est rasé
Aux frontières de la terre
Un bateau tout vermoulu
Après tant s'être bercé
Aux vertiges de la mer
Tant que des lames déchirent
S'accrochent, reprochent
Rongent et mordent encore
Un bateau s'est lavé,
Terre, tout est uniformément vert
Comme l'air et la mer
L'oeil conditionné, déraisonnable
S'attarde encore au grand large
Terre s'écrit-il, bien avant pourtant
Qu'un vol de goélands vienne à passer,
Terre et déjà les caves enfumées
Engloutissent les cadavres
Des marins en escale
Des marins prolifiques
Aux torses aussi velus
Que le sexe de Marie
Aux mains aussi pleines
Que des seins, par les saints de Madeleine
Marie Madeleine,
Terre et déjà un bateau chargé
D'écume et de vent
D'esclaves endormis
Et de visages glabres,
Un bateau s'en va.